Kyo, l'étrange comeback du groupe le plus détesté des années 2000

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Il y a des comebacks que le grand public attend plus que d'autres, et pas sûr que celui du groupe Kyo en fasse partie. Lors des 10 ans qui ont suivi leur dernier album, les membres du groupe phare de la variété française des années 2000 se sont chacun lancés dans des projets solo hasardeux, leur leader Benoît Poher continuant à fournir des tubes clé en main pour diverses comédies musicales à succès ("Mon essentiel" d'Emmanuel Moire, c'était lui). 2013 bruissait des rumeurs de leur retour, mais cette fois, c'est avec deux nouveaux singles, accompagnés de leurs clips, que les Kyo sortent du bois.

Pour des raisons de nostalgie purement extra-musicales, j'ai toujours eu une affection particulière pour ce groupe. Parce que leur succès est très caractéristique d'une époque, celle des années 2000, qui ont constitué un très long baroud d'honneur d'un genre aujourd'hui oublié et mal aimé à l'heure du "all things pop" : la variété pop-rock. Un peu fourre-tout, cette appellation regroupe des artistes comme Dido, Travis, Shakira, Indochine, Superbus, Avril Lavigne, les Tokio Hotel, Anastacia, Carolina Liar, Vanessa Carlton, etc etc. Avec des tubes FM souvent produits à la truelle, et destinés à un large public d'adolescents un peu perdus, le cul entre deux chaises, entre le rock et la pop, ce son inter-générationnel, racoleur mais irrésistible et franchement pas dénué de charme attirait dans ses filets toutes les gamines sensibles, les emo pas très regardants, les jeunes gays, et leurs parents. De la Star Academy aux playlists d'NRJ, cette pop ultra mainstream, manufacturée pour que tout le monde l'aime, avait encore un peu de guitares, produisait de délicieuses ballades au kilomètre et vendait du rêve à une décennie qui attendait d'être dépucelée violemment par Lady Gaga.

Kyo, et beaucoup de gens ne leur pardonneront jamais, ont fait partie de cette scène en plastique. A cause de leur succès phénoménal, la scène rock indé leur crachait à la gueule, leur reprochant d'utiliser des recettes appartenant au son "néo-métal" de l'époque (dont personne ne se souvient aujourd'hui) pour en faire de mignonnes chansons ultra lisses aux lyrics affolants de niaiserie. "Le chemin", "Dernière danse", "Je cours", "Je saigne encore", "Contact" et "Sarah" ont été matraqués partout, faisant de ce groupe de post-ados mal dégrossis, pur produit de la banlieue pavillonnaire, des stars locales, qui, si Twitter avait existé à l'époque, auraient sans doute déclenché des guerres apocalyptiques entre fans et rageux.

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Pourtant, alors que l'on s'attendait à un assourdissant ricanement des réseaux sociaux au sujet de leur retour aux affaires, on assiste depuis quelques jours à un étrange coming out d'anciens fans, restés à l'époque bien silencieux quant à leur amour secret et un peu honteux pour les chansons de Kyo. Comme si, entre l'indifférence d'une partie des twittos, et une nostalgie bienveillante de gens qui ont grandi avec les tubes radio des années 2000, le comeback de l'un des groupes les plus détestés du pays allait, contre toute attente, se faire sans hostilité, sans heurts, non pas parce que tout le monde s'en fout (leurs compteurs Youtube explosent actuellement), mais simplement parce que les Kyo font désormais partie du patrimoine, et d'une époque un peu naïve et charmante dont beaucoup de gens se souviennent comme d'un très bon moment.

Et puis, soyons franc : "Le Graal" est quand même un excellent comeback single pour un groupe que l'on disait has been, à sucrer les fraises en vivant de leurs royalties. On pensait les retrouver tout bouffis par la glande et les années passées, ils apparaissent fringants, avec la même gaucherie de leurs débuts, comme si rien n'avait changé. Je leur souhaite vraiment, sincèrement, de renouer avec le succès, pour qu'enfin un groupe francophone, n'importe lequel, puisse grignoter des parts de marché à l'omniprésent Maître Gims et sa Sexion d'Assaut.