Si vous ne passez pas toutes vos nuits blanches sur les internets comme le grand malade dépourvu de vie sociale que je suis, il se pourrait que vous soyez passés à côté du mouvement seapunk. Je vous renvoie donc vers cet article de Slate qui évoque ces "punks de la mer" encore relativement peu connus du grand public.
Le jeune seapunk est donc un ado ou post-ado qui traîne pas mal sur Tumblr au lieu d'étudier, ce petit con, et qui voue un culte d'ordre purement esthétique (et ironique souvent) à l'univers marin, aux gifs animés vintage et aux couleurs criardes. Il a les cheveux bleus ou verts ou turquoise, et souvent dégueulasses (essayez de vous décolorer les veuch', puis de les teindre en bleu fluo, attendez quelques jours que les racines repoussent et vous serez témoins du carnage capillaire). Il aime les accessoires en forme de coquillages, il regarde La petite sirène trois fois par jour et il écoute des musiques assez atroces à base de bruits aquatiques, de synthés haut perchés et de beats electro tellement stressants qu'ils donneraient à une baleine l'envie de s'échouer sur le port de Sanary sur Mer.
De nombreux historiens de ces tendances étranges qui nous échappent un peu se sont penchés sur les origines de cette nouvelle mode. En vain. Car on pourrait s'imaginer que cette mini-vague virtuelle ait été inventée quelque part en Californie, mais j'ai pourtant l'intime conviction que les prémices du genre nous viennent plutôt de France et de Belgique.
Connaissez-vous Daphnièle ? Cette mère de famille fan de Daniel Guichard, Kiss (!!) et Céline Dion a connu un succès d'estime dans la catégorie troll en 2006 lorsqu'elle posta sur sa page myspace (le sommet de la modernité back in the days) un titre incroyable, "Pour l'amour d'un dauphin".
Plus de six ans avant l'explosion du mouvement seapunk, tout est déjà là : la thématique marine, les animations craignos, fluo et pixelisées, la musique indigente. Daphnièle fut ainsi sans le savoir, la première internaute, bien avant l'invention de Tumblr et du microblogging, à intégrer tous les éléments seapunk dans son art. Comme l'a fait remarquer très justement un commentateur sur Youtube : "I was seapunk before it was seapunk".
Toutefois, il faut remonter au début des années 90 pour découvrir la toute première artiste seapunk, la chanteuse italo-belge Donna Dolores, dont le titre "Aquarium" narre avec tendresse et humour son histoire d'amour avec le fils de Neptune. Avec un look seapunk en diable, elle était venue défendre sa chanson dans une émission de télé-crochet de la RTBF à l'époque. Rétrospectivement, cela ne fait aucun doute en revoyant la vidéo aujourd'hui : c'est bien elle qui a posé les bases de l'inspiration seapunk.
Malheureusement on le sait, les pionniers, les avant-gardistes, ceux qui sont arrivés trop tôt, se heurtent invariablement à l'opprobre de la part d'un public qui n'est pas encore prêt. Alors demain, lorsque vous croiserez une gamine aux cheveux bleus habillée d'écailles dans la rue, pensez à ces deux artistes maudits qui sont à l'origine de ce mouvement esthétique ridicule et mignon. Et n'oubliez jamais : le seul vrai seapunk habite à Bikini Bottom et il se rit bien de vos chapelles de hipsters du fond de l'océan.