2009, année pop

Avant que je ne me mette à plancher sérieusement sur le traditionnel Top 50 de fin d'année, on peut déjà dresser le bilan musical de ces 12 derniers mois, ce sera ça de fait. Que s'est-il passé en 2009 ? Eh bien, Michael Jackson est mort, et la pop a gagné.

 

Les journaux musicaux ont voté pour le "Is this it" * des Strokes ou "Kid A" de Radiohead comme étant les albums de la décennie. Si ces albums sont incontestablement des réussites (même si je n'ai jamais porté Radiohead dans mon coeur), on peut se demander si les années 00 ont vraiment été marquées par ces deux disques un peu gadget. Ils symbolisent beaucoup de choses, ces disques : le premier marque le retour d'un rock roots et sexy, très porté sur la pose et les fringues, qui influencera durablement une flopée de groupes plus ou moins mauvais et notamment la vague des "bébés rockeurs", sans doute la pire chose à avoir émergé du rock circus en France depuis les yéyés. Le second marque l'arrivée de l'électronique dans le songwriting rock indé, qui n'en finira plus de s'imposer par la suite. A l'intérieur, de très bonnes chansons, mais bon...

 

Si on a du mal à se mettre d'accord sur un album phare, c'est tout simplement parce qu'aucun album n'a réussi à avoir un impact aussi fort qu'un "Nevermind" dans les 90s, par exemple. On peut aussi se demander si cette décennie, qui a surtout été marquée par un changement radical dans la consommation de la musique, n'a pas été davantage celle du MP3, de la chanson, du titre single. Et on peut aussi remettre en question ce vieil a priori : et si ce qui avait été cool dans les années 2000, c'était juste le look rock, et pas obligatoirement la bande-son censée l'accompagner ?

 

Dans les années 00, les couvertures des revues de musique, de mode, de people, ont été squattées par Pete Doherty et Amy Winehouse, certes. Mais aussi et surtout par Lily Allen, Britney Spears ou Lady Gaga. Les artistes de pop music, que l'on pensait aux fraises depuis la déconfiture des boys band et des Spice Girls dans les 90s, sont redevenus excitants et porteurs de mythe. Au même moment, le rock s'est peu à peu transformé en un accessoire de mode, une caution, une posture (reprendre du Leonard Cohen à la Nouvelle Star, porter des vestes The Kooples et des Converse), tandis que la pop a retrouvé l'inspiration et un nouveau souffle.

 

En 2009, on s'est enfin aperçus que l'on nous avait un peu menés en bateau ces dernières années. Non, les jeunes se fichent du rock, vraiment. Le Mouv', Virgin Radio et Oui FM font des audiences de merde. Voxpop et les Inrocks nous disent que dans les lycées les gamins écoutent du Bob Dylan, mais à Paris et en province, on ne trouve pas tout à fait les mêmes ados... Ouais, les djeunz aiment bien Muse et Green Day, OK, mais cette fameuse vague rock, elle a presque été inventée de toutes pièces par cette éternelle génération de bobos nostalgiques toujours aux commandes des médias, vieux briscards de la rive gauche qui aimeraient tellement que leurs propres enfants soient comme eux à leur âge, en mieux lookés.

 

Cet été, Michael Jackson est mort. Et il s'est passé une chose incroyable : les gens se sont mis à acheter ses disques, en masse. On le pensait artistiquement fini, mais quelques jours plus tard, on découvrait ébahis que des gamins de 15 ans connaissaient "Remember the time" et "Man in the mirror" par coeur. Toute la presse branchée, qui l'avait qualifié de has been de son vivant, n'en revenait pas devant un tel engouement. Ses clips hallucinants, en boucle sur toutes les télés, faisaient de l'ombre aux vidéos pourries de folkeux nases du style Milow qui passaient au même moment.

 

En 2009, il y a eu aussi le succès colossal de Lady Gaga. Tout d'abord méprisée par le monde du bon goût à cause de sa dégaine et sa musique putassières, elle s'est imposée en à peine un an comme l'artiste à l'univers le plus scotchant depuis les débuts de Madonna, et pour la première fois depuis des siècles, une chanteuse faisait parler les gens le matin devant la machine à café ("T'as vu Lady Gaga déguisée en sauterelle hier au Grand Journal ?").

 

Sur le plan artistique, Lily Allen a gagné en crédibilité avec un album acclamé par la critique et le public. Des petites nouvelles comme La Roux ou Little Boots sont devenues les cover girls préférées du NME, marchant à coups de talons sur les platebandes des boutonneux Arctic Monkeys. Et même Beth Ditto chante "Pop goes the world" sur le dernier album de Gossip. Oui, le monde devient pop en 2009, et ça ne date pas d'hier.

 

Depuis 10 ans, la pop a fait un gros travail sur elle-même, dans l'underground et l'indifférence la plus totale. Pendant que des nouveaux Strokes et autres chanteurs folk à chapeau apparaissaient toutes les semaines dans les journaux féminins, partout dans le monde de nouveaux groupes peaufinaient ce son electro-pop aujourd'hui omniprésent. The Knife, Lo-Fi-Fnk, Dragonette, Calvin Harris, Sally Shapiro, Ladytron, Vive La Fête, Crystal Castles, MGMT, Frankmusik, Junior Senior, Royksopp, Marsheaux, Annie, Bloc Party, Metronomy, Au Revoir Simone, Cloetta Paris, Hot Chip, Soulwax, Rex The Dog, Uffie, Lights, la liste est infinie. Tous ces artistes ont redéfini un style musical qui a explosé sur les blogs du monde entier, mais qui fut totalement ignoré par les médias de masse, trop occupés avec Coldplay. Ah si, les mecs de l'UMP ont récupéré MGMT pour ambiancer leurs meetings...

 

L'Angleterre a connu une refonte du style pop commercial également, avec des girl bands tout ce qu'il y a de plus traditionnels, mais accompagnés par un son maousse qui ne laisse personne indemne (Sugababes, Girls Aloud). Et toujours dans le mainstream, le R&B lui aussi s'est salement mélangé à la pop, jusqu'à devenir plus proche de l'eurodance que du hip-hop. Rihanna, Akon, les Black Eyed Peas, les Pussycat Dolls, Beyoncé, Ciara, Ne-Yo, Chris Brown, Timbaland, ils ont tous dragué le grand public à grands coups de synthés et de refrains à lever les bras en l'air dans les campings.

 

2009 est donc l'année où cette pop nouvelle génération, enfin assumée et assimilée par les jeunes et le grand public, a explosé dans les charts et sur les ondes. En 2009, c'est officiel, il n'y a plus que les vieux cons et les indécrottables snobs pour encore affirmer que la pop est honteuse, crétine, et donne des maladies.

 

Alors youpi ou pas ? Comme d'hab, le risque est de voir débarquer ces prochains mois des clones de Gaga par cargos entiers qui joueront la surenchère provoc' mais avec une musique immonde. Peut-être même que le style s'essouffle déjà et que ce qui était excitant en 2000 (être le seul à aimer à sa juste valeur un genre musical décrié par tous et considéré comme vulgaire et abrutissant) le sera beaucoup moins en 2010 quand tout le monde dira "pop is the new indie".

 

Par contre, loin de moi l'idée de mettre les fans de rock et de pop dos à dos ! Je fais juste remarquer que le rock, ces dernières années, n'a pas été aussi incroyablement inventif et excitant que ce que les médias veulent nous le laisser croire. On nous ment les enfants, voilà tout. Bon, j'ai fini ma laborieuse logorrhée...

 

Joyeuses fêtes pop à tous :)

 

* Hey, vous avez remarqué que cette décennie musicale a commencé avec "Is this it" et s'est achevée avec "This is it" ? *explosion de cerveau*