C'est dans une ambiance particulièrement étrange que les NRJ Music Awards, grande vitrine chic et toc du MIDEM, ont fêté leurs 10 ans samedi dernier. Sur le plateau, rien de bizarre à signaler : la production avait tout fait pour que cette cérémonie ne ressemble pas à un prime désaffecté de la Starac 2008 (même s'ils nous ont remis une louche de Nikos). Tout le monde était là. Enfin, presque tout le monde...
Les préparatifs du grand raout avaient pourtant fait polémique (fait assez rare pour une cérémonie qui a plutôt l'habitude du ronron bien huilé du conglomérat TF1-NRJ-Universal) à cause de l'annulation à la dernière minute de la prestation de Renan Luce (qui aurait fait chuter les audiences de la chaîne quelques jours auparavant lors de son passage aux "Disques d'or") : après avoir été invité gentiment à rester chez lui, il a finalement été réinvité, puis a décliné l'invitation, furax. Il faut dire que sur NRJ, ils n'avaient jamais vraiment misé sur "Les voisines", diffusant le morceau des siècles après tout le monde. Marre de Renan Luce ? Rappelons que son album est sorti à la rentrée 2006, ce qui fait que les plus malchanceux d'entre nous connaissent "Les voisines" depuis presque deux ans et demi. A leur place j'aurais zappé aussi.
Les habituels ménestrels de la variétoche popu, spécialité NRJ depuis des temps immémoriaux, étaient là pour "faire le show" comme dirait le Grec : Calogéro et Stanislas, Julien Doré et son épuisant second degré relou, William Baldé (le mix transgénique de Yannick Noah et Francky Vincent), Enrique Iglesias (curiosité locale : la France l'adore alors que le reste du monde l'ignore superbement), ou Grégoire, l'homme qui a causé en 2008 la mort définitive de la chanson française. Depuis, on essaye de la réanimer : en vain.
Heureusement, les stars étrangères se sont déplacées. Bon, pas Rihanna ni Britney Spears, sans doute traumatisées à jamais par leur passage à la Star Academy. Mais il y avait Katy Perry (Dieu merci), Duffy et les Pussycat Dolls. Katy Perry a bien du courage : garder son sourire et sa bonne humeur quand on se fait aussi lourdement draguer par un vieux Nikos priapique, c'est juste admirable. Katy, avec toutes ses pitreries, n'a toujours pas trouvé le temps de prendre des cours de chant, mais on lui pardonne.
Autre star internationale, Chris Martin de Coldplay est venu sans son groupe jouer un titre au piano. Alors bon... c'était un peu laborieux (trop de champagne dans les loges ?), voire grotesque (il recevait un prix d'honneur, et n'en avait visiblement rien à foutre, bien conscient que EMI voulait juste rappeler qu'ils ont encore dans leur giron un groupe génial qui s'appelle Coldplay et qui sauve la major de la faillite tous les quatre ans).
Et puis il y a les artistes fantômes. Qui sont là mais pas vraiment là, ils ont envoyé leurs hologrammes et on n'y a vu que du feu. Indochine et Mylène Farmer, superstars très attendues et très rares, jouaient leurs derniers morceaux. Alors mystérieusement, l'omniprésent logo "en direct" disparaissait dès que démarraient leurs prestations. Pourtant Mylène était bien là, puisqu'elle a gagné un truc, comme d'hab ("On m'avait dit de ne pas pleurer... Mais qu'y puis-je?"). Alors, direct ou pas direct? Toutes ces curiosités paranormales ont un nom, ça s'appelle l'Ampex. Farmer et Sirkis, nos divas préférées, voulaient enregistrer leurs titres dans des conditions optimales (et non pas expédiés sur un plateau style Parc des Expos de Villepinte), et donc, ce qu'on voyait à l'écran, c'était eux, mais la veille ou l'avant-veille. Et par la magie du raccord, le spectateur lambda croit que ses chanteurs préférés s'époumonent en live alors qu'ils se grillent une clope et vident le mini-bar en backstage.
Conclusion, entre ceux qui n'étaient pas invités, ceux qui étaient là pour faire acte de présence, ceux qui étaient là mais pas vraiment là puisqu'ils étaient là deux jours avant, ceux qui étaient là mais que personne n'a remarqué (pauvre Alesha Dixon qui remettait un prix et qu'on a vu 12 secondes à l'écran), ceux qui étaient là pour composer une grotesque imitation d'une de celles qui n'étaient pas là (Anthony Kavanagh déguisé en Britney Spears), et celle qui étaient là et qui a par accident récupéré le prix de quelqu'un qui n'était pas là (Katy Perry a hérité d'un prix qui était destiné à Rihanna, la boulette...), les NRJ Music Awards 2009 donnaient l'impression d'être une fête totalement virtuelle, aux frontières du réel, à la lisière du n'importe quoi. Un état des lieux assez proche finalement de l'état actuel de l'industrie du disque. Au moins, à la Starac, les artistes étaient bien là. Par contre, les spectateurs, on les cherche encore.