Musicalement, il y a un fossé culturel entre la France et le Royaume Uni, je pense que je n'apprends rien à personne là. Hier après-midi, je suis tombé sur les rediffusions des Top Of The Pops seventies qu'Arte a eu la riche idée de programmer tout l'été, agrémentées des anecdotes toujours croustillantes de Philippe Manoeuvre. Et c'est là qu'on s'aperçoit qu'à l'époque, dans les charts britanniques, pendant qu'en France on guinchait sur Claude François et Dalida, là bas ils avaient des groupes punks improbables, des Pistols aux Buzzcocks, et qu'ils vendaient des tonnes de singles avec une musique pourtant pas très merveilleuse. C'était marrant de constater également que les vêtements portés par les rock stars de l'époque étaient à la bottine près ce que portent aujourd'hui les BB Brunes et les Shades. C'est un peu comme si la France découvrait la musique de jeunes, mais 30 ans après.
Les charts britanniques ont toujours donné un aperçu plutôt pertinent des goûts du grand public anglais : d'innombrables groupes britpop et indé ont longtemps cotoyé d'innombrables boys band, dans un grand mélange sonore un peu soûlant mais jouissif : en regardant Top of the pops dans les années 90 on a l'impression d'assister à une boum express d'étudiants drogués qui auraient fait venir leurs groupes préférés du moment dans leur salon.
Les charts anglais, c'est la jungle. Des nouveautés débarquent toutes les semaines, et si ton titre n'est pas assez bon, il disparaît la semaine suivante, sans fleurs ni couronnes. Les Anglais se lassent vite, d'un style, d'un groupe, d'une mode. Ils sont avides de nouveautés, de découvertes, s'enthousiasment de la moindre kitscherie sur laquelle ils ont dansé au pub du coin, en évitant de peu une flèchette qui vole ou une pinte de bière qui se renverse, et la baston qui s'ensuit.
En Angleterre, la durée de vie d'un single est de trois mois, quand ça marche. Donc les artistes sortent un titre tous les 3 mois. En France, on peut entendre la même chose à la radio pendant 6 à 8 mois. Les Français ne dansent que sur les titres qu'ils ont déjà entendu. Ils n'aiment une chanson que s'ils l'ont découverte dans un générique de télé-réalité, dans une pub ou sur la BO d'un film avec Dujardin. Les publicités pour les disques de nouveaux artistes reprennent toujours le même discours : "Vous connaissez ce titre, vous connaissez ce groupe, si si, on vous jure, vous aimez". Le best-seller du mois d'août 2008 en France ? Le back catalogue de Jeff Buckley ! Depuis que Benjamin de la Nouvelle Star a repris "Hallelujah" lors d'une émission, les ventes du titre sur iTunes ont décollé dès le lendemain et la chanson est entrée dans les playlists des radios rock alors que personne ne l'avait jamais diffusée à sa sortie. Même mon père, qui a du voir la pub entre deux épreuves des JO, a demandé à ce qu'on lui télécharge l'album (il pensait que c'était une nouveauté, il ignorait que le chanteur est décédé il y a 11 ans). Le soucis, c'est que le titre original est de Léonard Cohen, bien vivant lui, ce qui nous amène à la conclusion que les Français ont beau être très portés sur la nostalgie et le passé, ça ne les empêche nullement d'être incultes ou amnésiques.
Tout ça pour dire qu'en France on n'aime que ce que l'on aime déjà, et on voit toujours les nouveautés d'un oeil mauvais (avec un début de panique : doit-on aimer ou pas ? Qu'en ont pensé les journalistes de Télérama ? Est-ce que c'est sur la BO de Grey's Anatomy ? Mince, je suis perdu, vite, un best of de Radiohead, ouf ça va mieux).
Et pendant ce temps, chez les Rosbifs, démarrent la promo d'un nouvel album des Sugababes, puis de celui des Girls Aloud qui suivra dans la foulée. Leurs précédents albums étaient sortis il y a à peine un an. Comme à l'époque de PWL, la pop se consomme vite, car c'est la musique de l'instant, du plaisir de la découverte, et ça ne l'empêche pas d'être excellente et toujours pertinente des années après.
Voici le nouveau single des Sugababes, "Girls", dans le style rétro-Mark Ronson staïle du moment, ce qui est plutôt une bonne chose. Un autre single et un album sortiront probablement dans trois mois. Pendant ce temps, en France, les gens découvriront sûrement un tube méconnu d'un autre chanteur mort.