Comme ne manquerait pas de le souligner le vieux sage cathodique André Manoukian, Lorde est une "princesse casse-couilles", une jeune, très jeune fille à qui le monde appartient et dont les déclarations frondeuses assurent régulièrement quelques titres vendeurs pour sites de news en mal de clics. "Lorde a dit que machine faisait de la musique de merde, Lorde a dit que *random pop star* n'était pas sa tasse de thé et était un mauvais exemple pour la jeunesse". Lorde est bien une princesse casse-couilles, et c'est précisément pour ça qu'on l'aime.
Déchainant les haines et les passions, Lorde, à son corps défendant, est donc une popstar de plus, et on ne manquera pas de la comparer aux autres, à scruter ses scores dans les charts, à la descendre au moindre faux pas : même si son univers se veut une alternative au tout venant mainstream pop, ses ventes de disques placent la Daria de 2013 au même rang "prestigieux" que les Disney Girls et autres stars du Billboard. Observée, analysée, parodiée, mal interprétée, elle continue à camper pourtant solidement son personnage altier et désabusé. Un rôle de composition : ses followers sur Twitter le savent bien, Ella Yelich-O'Connor est une meuf plutôt simple, accessible et drôle, fan de k-pop et des One Direction assumée, amoureuse de son geek de boyfriend et accro à Candy Crush. Une fille comme les autres, mais avec une intelligence, une maturité, une acuité et un talent dingues.
Le clip de "Team" (dont la mise en ligne aurait fait crasher Vevo, drôle de symbole) reprend les choses là où on les avait laissées avec le mégatube "Royals" : la chanson et la vidéo racontent un rite initiatique, le passage obligé pour faire partie de la bande inquiétante de losers sombres, sexy et ombrageux dont Lorde est la grande prêtresse auto-proclamée. Ella écrit toujours la même chanson, et son album (Pure Heroine) est un disque-monde, une décharge à ciel ouvert au fin fond de la plus crasse des banlieues, royaume et forteresse imprenable d'ados à la vilaine peau qui ont fait de leur vie un hit single sur lequel danse la terre entière. Smells like 2013.