L'été, je l'avoue, par ces fortes chaleurs, j'ai du mal à faire autre chose de mon temps libre que de glandouiller devant les clips de NRJ Hits, la chaîne qui fait fondre les neurones plus vite que les glaçons de mon Coca Zéro. Et l'autre jour, quelle ne fut pas ma surprise lorsque je découvris cette nouvelle signalétique du CSA en guise d'introduction à un clip de Sexion d'Assaut.
Evidemment, mon sang n'a fait qu'un tour, et j'ai scruté le clip du début à la fin pour voir en détails quelles marques avaient sournoisement décidé de se faire un peu de publicité clandestine dans la nouvelle vidéo des chouchous de Skyrock. Et en effet, en 4mn36, j'ai vu plus de casques Wesc sur la tête de gamins qu'à la station Châtelet aux heures de pointe. Ca va nous faire une génération de sourdingues, j'vous le dis.
Bien entendu, l'effet pervers et stupide de cette signalétique saute aux yeux : plus on sera prévenus de la présence de marques cachées dans nos clips préférés, plus on va vouloir s'amuser à les retrouver. Mais ce logo n'a pas pour mission de nous éloigner de nos téléviseurs de peur d'une lobotomie orchestrée par Motorola ou Samsung, il est juste présent pour de vagues questions juridiques liées au statut de publicité blablabla *BORING PART*
Je note cependant qu'il y a encore des gros relou pour s'insurger d'une telle pratique, pourtant courante depuis la nuit des temps. Dans les années 80, on voyait déjà Stéphanie de Monaco se désaltérer avec un Gini dans le clip d'"Ouragan", ou les danseurs de la lambada se jeter un p'tit Orangina entre deux séances de frottement de parties génitales.
Scandaleux, le placement de produit qui envahit les clips de Lady Gaga et de Britney ? Les gens qui lèvent les bras au ciel en parlant de mercantilisme sauvage me font bien rire. Ce sont souvent ces mêmes personnes qui poussent des soupirs devant le clip de "Thriller" en se disant "Ah lala, la pop, c'était mieux avant, aujourd'hui les clips ne sont plus aussi beaux et spectaculaires, la musique ne fait plus rêver".
Il faut savoir qu'à l'époque de la sortie de "Thriller" en single, la maison de disques de Michael Jackson n'a pas voulu dépenser un centime dans la production du clip, le patron de Sony estimant que l'album avait été suffisamment exploité et qu'il n'allait pas perdre inutilement de l'argent dans un projet aussi coûteux. Si Jackson n'avait pas financé lui-même la vidéo à coups de millions, s'il avait du compter sur la générosité proverbiale des décisionnaires de l'industrie du disque, "Thriller" n'existerait pas.
C'est la raison pour laquelle, de nos jours, les clips ressemblent de plus en plus à des publicités pour portables, ordinateurs et appareils électroménagers. Dans le moindre clip de r&b on se croirait dans un Surcouf' de luxe. En vérité, le placement de produit permet de créer des films au budget plus ambitieux. Certes, parfois ça donne juste des images où Taio Cruz ou David Guetta font du yacht et serrent des louches à des potes autour d'une piscine en passant des coups de fil, mais parfois ça donne aussi "Bad romance". Au moment où Sony roulait sur l'or, le Roi de la Pop a du passer lui-même à la caisse pour mettre en chantier la plupart de ses clips, alors aujourd'hui, en pleine crise du disque, imaginez demander à Pascal Nègre une enveloppe de quelques millions pour tourner un clip avec de la coke, des putes, des poursuites en hélico et des zombies qui dansent la tecktonik.
De ce fait, aujourd'hui plus qu'hier, dans le monde de la pop, c'est le système D, ou plutôt le système PP. Ca donne des images pas toujours très classe, mais on peut voir les choses différemment. Voir le verre de Martini à moitié plein. Je pense que le placement de produit a une valeur esthétique et culturelle tout autant que la publicité peut être parfois créative et innovante visuellement. Le placement de produit peut avoir une valeur "historique" dans l'histoire de la pop. Ainsi, ça risque d'être drôle quand les générations futures se demanderont pourquoi tous les gosses portaient des énormes casques fluo, pourquoi tous les ordinateurs portables étaient des Viao, et comment ça se fait que les gens se prenaient en photo avec des Polaroid en 2010, et c'était quoi ce site Plenty of Fish ? Tout autant qu'à l'époque des contrats de popstars avec Pepsi et Adidas dans les années 80, le mariage de raison entre les grandes marques et le monde de la musique n'est pas plus honteux que le fait de couper un épisode des Simpsons en deux sur W9 ou de faire sponsoriser Secret Story par des boites de capotes et des tubes de gel lubrifiant. A la fin de la journée, ça reste de l'entertainment.
Je vous laisse, je vais me manger un Magnum.