Quand les All Saints avaient annoncé leur retour en ce début d'année, j'ai accueilli la nouvelle avec un certain scepticisme. On se souvient encore du fiasco Mutya Keisha Siobhan : la reformation du lineup originel des Sugababes en 2013 n'aura duré que le temps d'un (excellent) single. Avec les Spice Girls et les Girls Aloud à la retraite, Little Mix est aujourd'hui le seul girlband britannique digne de ce nom encore en activité : les temps sont durs pour le girl power.
Les All Saints ont toujours été, dans les souvenirs des ados des 90s, la version indie, cool et mieux lookée (rappelons que le treillis était un basique de garde-robe à l'époque) des Spice Girls. Leur musique, plus chill, moins pétaradante que leurs consoeurs délurées, était inspirée par le renouveau r'n'b qui s'opérait alors sur les radios britanniques à la fin de cette décennie qui n'avait pas connu les internets. Avec leurs ballades aux harmonies parfaites ("Never Ever"), leurs tubes ancrés dans le zeitgeist ("Bootie Call"), leurs reprises roublardes ("Under The Bridge") et leur fantastique épisode William Orbit ("Pure Shores"), Natalie, Melanie, Shaznay et Nicole ont régné, certes furtivement et discrètement, sur les charts et dans les petits coeurs des fans de pop. Mais surtout, plus encore qu'Aaliyah ou les Destiny's Child, elles ont démocratisé une certaine idée de la modernité pop à venir dans le paysage musical anglo-saxon de cette fin de siècle.
Et alors que plus grand monde ne les attendait vraiment, les filles reviennent aujourd'hui comme si 16 ans ne s'étaient pas écoulés entre leur dernier carton mondial ("Pure Shores") et l'ère moody pop tropicale pénible que l'on subit actuellement. "One Strike", une breakup song d'une douceur et d'une subtilité sans pareil, colle bizarrement aux envies du moment, comme si leurs mélodies impeccables (dont elles n'ont visiblement pas perdu la recette) avaient cruellement manqué à nos playlists jusqu'à maintenant. Grâce à ce comeback inespéré, une nouvelle génération pourrait même découvrir qu'à une époque pas si lointaine, la pop britannique, avant Adele, les hymnes de stade de Coldplay et les chanteurs folk assommants, était au centre de la carte du cool, et qu'elle est encore capable du meilleur.