Alors que de ce côté-ci de l'Atlantique, seule ta petite soeur un peu gothique en a entendu parler, aux Etats-Unis Halsey est déjà une véritable star, un phénomène de pop culture avec le succès commercial à la clé. Pour tenter de résumer le personnage, Ashley Frangipane (c'est son vrai nom, si si) est une jeune artiste de 20 ans née dans le New Jersey. Elle se qualifie elle-même de "tri-bi" : bisexuelle, bi-raciale (avec des origines italiennes et africaines), et bipolaire. Autant vous dire que dans un teen movie, Halsey serait la freak super cool.
Musicalement, Halsey fait dans la dark pop alternative baignée de synthés et de refrains ULTRA accrocheurs. Les fans de Lorde, CHVRCHES ou Lykke Li seront en terrain connu. Son premier album BADLANDS est sorti à la fin de l'été, avec à l'intérieur suffisamment de tubes évidents pour conquérir le monde. Le titre "Ghost" a fait beaucoup de bruit : deux versions du clip ont été tournées, l'une mettant en scène la chanteuse avec un garçon, l'autre avec une fille. Et là vous allez me dire "Ouais c'est bon, on connaît tous une coloc un peu dingue, qui se teint les cheveux en vert, boit du whisky au goulot, emballe des nanas en soirée et ne sort qu'avec des tatoueurs". C'est vrai. Mais le point fort d'Halsey, c'est d'être parfaitement consciente que sa badasserie et son côté hors-normes peuvent être perçus comme des clichés.
Le titre-phare de l'album, "New Americana", se veut un hymne à l'intention de la génération Y, mais montre très rapidement des signes évidents de pastiche. Avec son refrain aussi subtil qu'une vache dans un couloir ("We are the new Americana / High on legal marijuana / Raised on Biggie and Nirvana"), la chanson est une auto-célébration suintant l'ironie. La vidéo qui l'accompagne, avec ses grossières références aux blockbusters Hunger Games et Divergent, enfonce le clou : Halsey se met en scène en héroïne slash martyre, telle la Katniss Everdeen du Billboard ou la Tris Prior des radios FM. Mais au delà de cette dramaturgie parfaitement assumée, il y a une fille incroyablement attachante, qui ne simule pas le féminisme en interview, qui parle ouvertement d'elle-même et de ses déboires avec sa propre santé mentale, et qui ne veut être la queen de personne. Mais qui, par l'effet miroir des réseaux sociaux, inspire des milliers d'adolescentes. Au final, Halsey s'attaque à la pop avec les mêmes armes, les mêmes ficelles, les mêmes moyens financiers qu'une Taylor Swift. Sauf qu'elle s'en sert pour faire le bien.