Justin Timberlake est de retour ! Chouette alors. Oh et puis merde, pardon mais non. Il est temps que je vous confie un terrible secret : je peux pas blairer Justin Timberlake. Je me suis souvent demandé quelles étaient les raisons profondes d'une telle détestation. Après tout, JT a l'air d'un bon gars, en plus d'être incroyablement talentueux. Sa musique est tout ce qu'il y a de plus fréquentable, et si j'étais un citoyen américain, ça ne me dérangerait pas de voter pour lui aux prochaines élections. Mais alors, c'est quoi mon problème avec Justin ?
Parfois, j'ai l'impression d'être le seul à voir ce qui ne va pas chez ce mec, alors que pour moi, ça saute aux yeux. Quand on me dit Justin Timberlake, je ne pense pas au super danseur über charismatique qui a ambiancé le début du siècle avec des tueries comme "Rock Your Body" ou "SexyBack". La première chose qui me vient à l'esprit, c'est son côté "bro" que je trouve hyper gênant.
Comme l'autre Justin (Bieber), il y a chez ce mec une attitude de puérilité typiquement masculine et hétérosexuelle sur laquelle on ferme les yeux parce que c'est mignon au fond, ces petits gars sans problèmes qui ne voient le monde que comme leur terrain de jeu. Mais en 2018, qui supporte encore la fragilité de ces grands gamins attardés ?
Le fantôme de Britney
En 2002, c'est un Justin au coeur brisé qui s'épanche toutes les heures sur MTV, dans le clip de "Cry Me A River", une chanson qui fera exploser sa carrière solo et les ventes de son premier album Justified.
Sur ce titre, il fait du Taylor Swift avant l'heure, narrant par le menu à quel point son ex, la méchante Britney Spears, l'aurait trompé avec un autre, lui l'amoureux éconduit, le petit animal blessé, qui ne pourra pas s'empêcher d'ironiser en interview sur la virginité perdue de l'ex-enfant chérie de l'Amérique puritaine : la grande classe "masculiniste" avant l'heure.
Quand on sait à quel point la chanteuse a payé les pots cassés par la suite (le grand public ne lui pardonnera jamais cette rupture, comme on peut le voir dans l'édifiant documentaire Miss American Dream), on peut se demander si un morceau aussi amer était bien nécessaire. Par la suite, dès qu'il en aura l'occasion, il fera allusion à cette relation, avec un manque de tact à chaque fois plus révoltant. Get over it, Justin.
Pas le meilleur allié des femmes
Car ce que les internets lui ont beaucoup reproché, c'est son manque d'empathie et de solidarité envers la gent féminine. Pire, on le soupçonne d'avoir profité de l'intérêt des médias pour sa rupture avec Britney afin de faire avancer sa propre carrière. Et sa gestion désastreuse et désinvolte du "Nipplegate", lors de l'accident de téton de Janet Jackson à la mi-temps du Super Bowl en 2004, n'a rien fait pour arranger les choses : Justin est perçu, pour un grand nombre de fans de pop féministes, comme un pur goujat qui se sert des femmes comme marchepied vers le sommet, incapable de prendre leur défense quand il aurait été nécessaire de le faire.
Ego trip boursouflé
On le sait, Justin Timberlake se rêve en Michael Jackson de son temps. Au lieu de ça, il s'est contenté de piller son héritage musical et ruiner la carrière de sa petite soeur. Après une brève rencontre avec Michael lors de ses débuts avec le boyband 'NSYNC, c'est comme si Justin avait voulu reprendre le flambeau du r'n'b moderne, réinventer une pop larger than life, qui carbure à l'ego trip et au culte de la personnalité. Il ira même jusqu'à poser sa voix sur un duo posthume avec Jackson en 2014.
Seulement voilà, du King of Pop, Timberlake a surtout gardé le goût de l'emphase un peu grotesque, comme lors du teaser pour l'album The 20/20 Experience, où on l'entend monologuer sur ses propres qualités de perfectionniste pointilleux. En 2013 c'était déjà gênant, mais voilà qu'il remet le couvert cette année, en annonçant l'album Man Of The Woods avec une pompeuse bande-annonce.
Justin en mode Man vs Wild, ouvrant les bras sur des plaines enneigées, ouvrant encore les bras tout habillé dans l'eau, avec sa femme Jessica Biel en voix off qui nous assure que son album "sonne comme les montagnes, les arbres, les feux de camp". Au final, le teaser ressemble à une publicité pour les vêtements Marlboro Classics, la marque préférée d'un autre grand aventurier : Denis Brogniard.
Culture bro
Mais Justin reste cohérent : après tout, il n'a jamais eu peur d'en faire trop, il se fiche du ridicule. C'est même cet équilibre constant entre un swag en béton armé et un sens inné du grotesque qui font toute la saveur du personnage. Justin, c'est le gentil crétin télévisuel qui surjoue constamment l'hilarité chez Jimmy Kimmel et qui adore se déguiser en star fanée du new jack swing pour les sketchs du Saturday Night Live.
C'est cette carte de la "bro culture" qu'il peut brandir à tout moment dès qu'on le soupçonnerait de se prendre un peu trop au sérieux. Mais au fond, on sait que Justin adore se pavaner, taper dans les mains de ses potes superstars dans des clips tout à sa gloire, et savourer chaque seconde de succès comme le blanc bec idiot qu'il n'arrive jamais totalement à nous faire oublier.
Techno beauf
Et puis niveau street cred, c'est plus vraiment ça. En 2018, Justin a tout du nouveau riche aux goûts douteux, avec sa propre ligne de déco d'intérieur (le gars dessine des coussins) et son obsession pour les nouvelles technologies. Etre pote avec Jay-Z laisse des séquelles, et JT partage avec le mari volage de Beyoncé une fascination pour l'innovation et le business de la "tech".
Après avoir joué Sean Parker, le patron de Napster dans le film The Social Network en 2010, c'est en néo Steve Jobs qu'on le retrouve aujourd'hui dans le clip de "Filthy", aux commandes d'un robot futuriste un peu flippant. Pour tenter de nous faire oublier que son nouveau single tourne un peu à vide, il se cache derrière de flamboyants gadgets. Justin est fin prêt pour la startup nation, visiblement.
Concours de beats
Même sur le plan musical, Justin en a toujours fait un peu trop. Quel esprit tordu aurait l'idée de sortir un DOUBLE album de titres de r'n'b old school peu inspirés (The 20/20 Experience), sinon un gars qui n'a que très peu connu la peur de l'échec ? Quel babtou kamikaze aurait l'aplomb de chanter "What you gonna do with all that meat" (sur "Filthy", un titre joyeusement techno beauf lui aussi) sans consulter son surmoi et sans déclencher l'hilarité de ses pairs ?
Justin a l'inconscience et l'insouciance du gars qui a bossé avec les plus grands, que tout le monde valide et qui peut tout se permettre. Au fond, Justin est un grand enfant gâté, une sympathique tête à claques à qui personne n'a jamais rien refusé. On ne peut pas vraiment le lui reprocher, mais c'est aussi un peu pour ça qu'il est le chanteur le plus agaçant de sa génération.