A l'annonce de la mort d'Amy Winehouse, j'ai été surpris. Oui, contrairement à l'avis de tous, j'avais la naïveté de croire à une de mes nombreuses théories foireuses selon laquelle on ne mourait plus d'une vie d'excès en 2011, quand on est une chanteuse à succès. Je pensais que quiconque avait encore le privilège de vendre des disques était un minimum entouré, surveillé, encadré, même dans le cas de la jeune et imprévisible Amy. Je croyais que les dangers qu'encourait Amy étaient exagérés, amplifiés par la presse, pour nourrir le mythe. Donc aujourd'hui, même si je ne tombe pas de haut, je suis abasourdi par mon éternel optimisme gogol, non les gens ne meurent pas, non la vie n'est pas si dangereuse, etc. Pourtant ma propre expérience m'a maintes fois prouvé le contraire. Mais en ce qui concerne la mort, je préfère toujours ne pas imaginer le pire.
Amy Winehouse est donc partie rejoindre le club très select des "27", blablah, Janis Joplin, Kurt Cobain, Jim Morrison, eutécé, vous aurez lu ça dans tous les articles concernant sa mort. Amy a surtout prouvé que certaines choses ne changeront jamais : comme dans les années vieilles, en 2011 on peut encore mourir du métier de rock star. Les artistes, malgré leur célébrité et les enjeux financiers qu'ils représentent, sont toujours étonnamment seuls et vulnérables, et c'est de cela qu'ils meurent.
Amy a toujours été ridiculement anachronique : sa musique, son look, son mode de vie renvoient à une époque révolue sur laquelle beaucoup d'entre nous fantasment. Mais on voit bien, quand on suit le parcours des dernières "rock stars à excès" en activité, que notre position de spectateurs nostalgiques et fétichistes est bien plus confortable que celle d'être dans la (vilaine) peau d'un Pete Doherty.
Amy a représenté pour beaucoup le repoussoir absolu : un sujet continuel de moqueries de la part de gens pour qui sa vie de déglingos appartenait à un passé oublié et ringard. A l'heure des sites communautaires et de l'autopromo permanente des statuts facebook, de la winner attitude des jeunes générations, de leur contrôle de soi maniaque, leur refus de l'introspection et de l'échec, l'image de junkie crade d'une Amy complètement dépassée par les évènements a déclenché beaucoup d'incompréhension, mais aussi (et c'est l'essence des rock stars) une vague de sympathie mondiale. En France, la petite histoire retiendra d'elle ses deux annulations successives du festival Rock en Seine, qui avaient rendu fous de rage les fans et les organisateurs. Aujourd'hui, on se dit juste que tout ça, c'était un formidable gâchis.
Quand je pense à la musique d'Amy Winehouse, je n'ai pas de très bons souvenirs en tête. Je me souviens que la sortie de Back To Black coïncide avec mon arrivée sur Paris, et à une époque vraiment moche de ma vie. J'ai beaucoup écouté cet album, mais c'est un peu la bande-son d'années sordides que je n'ai pas spécialement envie de me remémorer. C'est la raison pour laquelle, et c'est bien dommage, je n'écoute plus ce disque. Peut-être qu'aujourd'hui, par la force des choses (en zappant sur les chaines musicales, on risque de tomber sur des marathons de clips ces prochains jours), je vais réentendre sa musique de façon complètement différente.
J'ai une pensée pour Mark Ronson, le génial metteur en son de Back To Black, qui ne doit pas être dans son assiette en ce moment. RIP Amy.